Marchands et commerce au moyen âge

Dans la société du XIe siècle, il n’y a pas de place pour l’homme des villes ou pour celui qui erre sur les routes

Il y a certes des villes, ne fut-ce que les cités du Bas Empire, avec leur évêque et sa petite cour ; il y a également des routes : les anciennes voies romaines à partir desquelles partent différents chemins à travers d’immenses forêts, que parcourent quelques colporteurs, des chevaliers ou des seigneurs, mais il s’agit là d’une infime partie de la population, qui de surcroît à un point d’attache ou un lien solide avec le milieu rural.

Ce n’est qu’à la fin du XIe et surtout au cours du XIIe siècle que la renaissance du commerce, celle des villes et l’animation des anciennes voies ou la création de nouvelles, vont amener d’importantes modifications au sein de la société traditionnelle. Ainsi vont apparaître de nouvelles associations, des bourgeois, des patriciens, des marchands, des marins, des artisans, des communes, etc…

Les routes

Les routes et les chemins sont les liens qui permettent de faire communiquer entre elles les cellules autarciques et autonomes et de canaliser les idées, les marchandises et les hommes.

L’empire romain a légué à l’occident médiéval un réseau remarquable de voies dallées et rectilignes, la « via lapide strata », aux dalles robustes mais qui, faute d’entretien, finissent par jouer les unes par rapport aux autres, rendant la route impraticable, sauf sur les bas côtés. Des tronçons entiers ont aussi été détruits pour récupérer les pierres et en faire des édifices. Ces voies furent finalement délaissées dans la première moitié du VIIIe siècle.

A côté de ces anciennes voies romaines, se juxtapose la route médiévale empierrée, avec des cailloux liés par la chaux : la chaussée. Elle est plus sinueuse que la voie car elle fait maints détours pour passer à tel château ou telle abbaye  au lieu d’aller directement de villes en villes comme le faisaient les voies romaines. Ces chaussées se sont développées sous les carolingiens. Elles sont à l’époque très fréquentées.

Au Xe, les gens se déplaçaient peu, contraints de rester sur les terres de leurs seigneurs. Les routes n’étaient plus fréquentées que par les soldats Les cités atteignirent leur degré de désolation le plus bas. Elles se vidèrent de leurs habitants.

A partir du XIe siècle le commerce repris.

Au XIIIe siècle les voies de communications s’étaient développées. On distinguait les sentiers (3 pieds de large), les voières (8 pieds), les voies (15 pieds), les chemins (32 pieds) et les chemins royaux (54 pieds).

Sur ces derniers se déplacent en permanence les grands de ce monde avec leur entourage, pour aller de domaine en domaine consommer les stocks de nourritures des redevances, pour gagner la cour d’un roi, accomplir un pèlerinage, lancer une chevauchée contre l’ennemi ou amener un contingent à l’ost féodal.

Mais on y trouve aussi des soldats, des courriers, des pèlerins, des marchands et, dès le XIIIe, des moines mendiants. La plupart se déplacent à pied. Quelques uns à cheval, mulet ou à dos d’âne. Rares sont les carrosses car les routes sont trop défoncées pour permettre un trajet de quelque importance dans un confort relatif. On y attelle d’ailleurs volontiers des bœufs qui sont plus lents.

Les animaux de bât sont largement utilisés. On sait les ferrer depuis le Haut Moyen Age et l’apparition de la selle et de l’étrier rendent également les voyages plus aisés.

Les déplacements sont toutefois assez lents. Les étapes, pour le commun des mortels, n’excèdent généralement pas les 25 à 30 km/j et bien souvent moins. Seuls les courriers spéciaux des  Seigneurs ou des papes peuvent parcourir 50 voir 90 km/j. Mais les voyages sont malgré tout plus confortables depuis le Xe siècle. On a amélioré, non pas les routes elles-mêmes, qui sont souvent impraticables l’hiver ou par temps de pluie, mais le passage des rivières ou des marais, la sécurité par une police et les lieux d’hébergement et d’étape. On met tout de même 25 à 30 jours pour aller de Venise à Bruges en passant par l’Allemagne du Sud.

Les voies de terre comportent de grands dangers. Les seigneurs brigands, les routiers, les voleurs, sont légions.

Les navires

En revanche la voie fluviale et surtout maritime sont plus rapides. Un navire filant 5 nœuds à l’heure, peut se déplacer de 200 km en 24 heures car il n’a pas besoin de s’arrêter la nuit. Les voies d’eau permettent aussi de transporter des marchandises en quantité et en poids beaucoup plus considérables. Certains navires peuvent emmagasiner jusqu’à 500 tonnes métriques de denrées diverses. Par ailleurs le confort et même la sécurité sont supérieurs sur l’eau que sur la terre ferme.

On connaît mal les bateaux navigants sur les fleuves. On sait qu’ils étaient à fond plat, non pontés et mus par rames. Les plus gros pouvaient porter jusqu’à 12 tonnes. Mais la plupart étaient plus petits, comparables aux lodje russes qui pouvaient passer les rapides du Volhov et atteindre Novgorod.

Les navires de mer nous sont un peu mieux connus. Ils étaient très différents selon qu’ils voguaient sur les mers du Nord ou en Méditerranée.

Au Sud on trouvait les galères. Elles se sont transformées et améliorées depuis l’époque romaine puis byzantine pour atteindre un haut degré de perfection chez les vénitiens. Elles se déplaçaient à rames et à voiles. Il y avait souvent jusqu’à 200 rameurs et 3 mats. Elles étaient très rapides et malléables. Elles étaient défendues par des soldats et transportaient, outre les marchandises, des passagers. 

A côté de ces navires mixtes, existaient des naves, héritières des navires marchands de l’antiquité.  Rondes, à voiles, elles pouvaient être énormes et porter jusqu’à 1000 tonnes de marchandises. Leur bord était très haut et le château de proue, véritable forteresse, dominait l’ensemble. Elles étaient toutefois moins manoeuvrantes et moins rapides mais comportaient un équipage réduit.

Les bateaux saxons et scandinaves nous sont assez biens connus. Il y avait les Snekkars, qu’on utilisait pour les voyages et la guerre et les Knarrs, plus gros, que l’on employait pour le transport des marchandises (cf chapitre Vikings). Plus tard apparurent les Cogues (Kogge) et les Hourques hanséatiques.  Les premières étaient pansues, à coque ronde, pourvues d’une longue quille qui assurait une excellente stabilité. Leur voilure leur permettait de remonter au vent grâce à un fort gouvernail d’étambot. Les secondes, privées d’avant-bec et à fond plat, pouvaient s’échouer sur les  hauts-fonds sablonneux des mers nordiques et remonter les fleuves. Leur capacité était supérieure à celle des Kogge car encore plus pansues. Elles étaient manœuvrées par 30 à 40 matelots et transportaient, outre les marchandises, des  marchands, des pèlerins ou des clercs.

Les bateaux ne naviguaient généralement pas l’hiver. Au printemps, après avoir été remis en état, ils repartaient sous le commandement de capitaines qui n’avaient aucune formation spécialisée. Ils tiraient leurs connaissances de leur expérience et de celles de leurs prédécesseurs transmises oralement (ils ne savaient pas lire). La navigation se faisait souvent le long des côtes. Les marins connaissaient tous les détails de la côte, les églises, les châteaux, les moulins. Parfois on construisait des balises lumineuses, voire un phare. On se basait sur la couleur de l’eau mais on  utilisait également beaucoup les sondes qui donnaient une indication sur la profondeur de l’eau.

La navigation comportait des risques. Il y avait bien sur les risques naturels comme les tempêtes mais il y avait également les pirates, la barbaresque et plus tard les corsaires.

Les marchands

Le courant commercial subit d’importantes fluctuations suivant les périodes et les régions.

Du Ve au Xe siècle on vit dans une économie fermée. La consommation est essentiellement locale. Les Grands ont une vie itinérante. Ils se déplacent avec leur nombreuses suites de domaines en domaines jusqu’à ce qu’ils aient épuisé les ressources amassées.

Cependant même à cette époque le commerce n’a pas totalement disparu. Il fonctionnait alors sans professionnels. Les produits étaient vendus de proches en proches. Il s’agissait avant tout de produits agricoles. Les églises et les abbayes avaient  des propriétés immenses et dispersées et de grandes populations à nourrir. Elles organisaient alors des convois qui allaient de domaines en propriétés pour chercher et transporter la nourriture.

Les Seigneurs eux n’avaient pas du personnel pour le faire. Ils se reposaient sur des professionnels du commerce : les marchands.

Jusqu’au VIIe siècle les textes citent souvent les Syri, terme qui désignait les hommes originaires de la partie orientale de l’empire romain (Grecs, Syriens, Egyptiens, Juifs…). Ces Syri formaient des colonies dans de nombreuses villes d’Occident. A partir du VIIe siècle on ne parle plus des Syri mais uniquement des Judaei. Ces colonies juives dispersées sur toutes l’Europe, entretenaient entre elles des relations suivies.  Ces liens s’étendaient à l’Afrique et à l’Orient. Les autres peuples marchands furent remplacés dès le VIIe par les Frisons.  Ceux-ci trafiquaient par les bassins fluviaux du Rhin, de la Meuse et de l’Escaut. Ils se déplaçaient également par mer de la Manche à la Baltique.

A partir du XIe siècle le commerce se diversifie nettement en fonction des dimensions du marché su lequel opéraient les marchands. On passa du petit marché local aux marchés interrégionaux ou même intercontinentaux.

Du colporteur au boutiquier

Le « pied poudreux » sillonnait les campagnes, transportant sa pacotille sur son dos ou dans des ballots portés par des bêtes de somme. Lui-même s’approvisionnait à des foires locales. Ce type de marchand a survécu bien au-delà du Moyen-Age.

Le phénomène le plus important à partir du XIIIe siècle a été la sédentarisation du commerce local. Le colporteur a laissé la place au boutiquier. Un commerce permanent s’est installé dans les villes. Au premier rang étaient les merciers (de merx : la marchandise), qui vendaient en gros. Ce commerce local s’est intégré dans  des structures corporatives. Ces structures ont fait obstacle au développement d’un commerce capitaliste : le boutiquier comme l’artisan, ne pouvait dépasser les limites de son activité en raison de l’étroitesse de son marché.

Pourtant certains boutiquiers ont amassé assez de biens pour pouvoir entrer dans le grand commerce et devenir de vrais entrepreneurs. Leurs activités se sont alors développées dans un autre registre, celui du commerce lointain.

Du grand marchand aux sociétés capitalistes

Jusqu’au XIIIe siècle le grand commerce interrégional ou intercontinental était aussi un trafic itinérant : le marchand accompagnait sa marchandise, l’écoulait une fois arrivé et revenait avec une cargaison de produits locaux. Les marchands se déplaçaient en groupe et armés. Ne sachant ni lire ni écrire, ces ambulants ne pouvaient tenir ni comptabilité ni correspondance.

Dans le courant du XIIIe siècle, ils bénéficièrent d’une sécurité accrue sur les grandes routes car, pour des raisons fiscales, les seigneurs les mirent sous leur protection. D’autre par la diffusion de l’instruction favorisa dans la classe marchande l’usage de l’écriture. Désormais le marchand restait de plus en plus à son domicile, derrière son écritoire, entouré de quelques secrétaires. Il pouvait correspondre avec des associés lointains et traiter plusieurs affaires à la fois. Parfois, il faisait convoyer sa marchandise par un commis.

Cette tendance à la sédentarisation apparut tout d’abord en Italie puis se répandit dans toute l’Europe.

Au XIVe et XVe siècles les grands marchands italiens et hanséates étaient tous sédentaires et avaient des commis qui se déplaçaient à leur place. Quant aux Flamands ils se rendaient  régulièrement des Flandres en Champagne au XIIIe siècle. Par la suite ils se transformèrent en courtiers et intermédiaires sédentaires, qui favorisaient entre les marchands étrangers des opérations commerciales et financières, leur procuraient entrepôts et logements et percevaient des commissions pour leurs services.

La spécialisation n’a en revanche pas beaucoup progressé parce que les marchands se livraient au commerce des marchandises les plus diverses mais aussi parce qu’ils commanditaient eux-mêmes certains produits qu’ils vendaient.

Ces marchands, surtout italiens,  finirent par gagner des sommes énormes et posséder des fortunes, pouvant se comparer aux revenus des grands seigneurs.

Puis les marchands se sont associés ce qui a renforcé leur puissance. Ils créèrent alors des monopoles dans certains marchés (Guildes et Hanses). Par exemples la Hanse des marchands de l’eau de Paris qui s’est constituée à la fin du XIe siècle et qui se réservait le commerce, en particulier du vin, dans le bassin de la Seine. Dès le début du XIIIe elle rassemblait l’ensemble des bourgeois de Paris auprès duroi et elle donna naissance à la municipalité. Il y eut encore la Hanse teutonique qui contribua à l’expansion du commerce germanique dans la Baltique; la Hanse des marchands, à Visby, dans l’île de Gotland. Plus tard se constitua la hanse des villes qui, elles mêmes se regroupèrent en quatre ligues (westphalienne, saxonne, vende et prussienne).

D’autres associations commerciales se constituèrent à Venise dès le XIe. Elles se répandirent  dans les autres grandes cités italiennes à partir du XIIe, puis dans toute l’Europe dès le XIIIe. Elles fonctionnaient selon deux système : la commande et la société.

La commande : née dans les grands ports d’Italie était en fait un mode de financement des armements des navires. Un marchand empruntait à diverses personnes des fonds avec lesquels il achetait des marchandises. Puis il s’embarquait. En cas de perte des marchandises en raison des périls de la mer, il n’avait pas à rembourser la mise de fond. En cas de revente des marchandises, il devait rembourser le capital, augmenté des ¾ des bénéfices réalisés.

La société : elle concernait le commerce terrestre. Des personnes prêtaient de l’argent à une société contre un intérêt de 8% l’an. Cet argent n’était pas toujours utilisé pour faire du commerce mais parfois également pour servir de prêts à des grands personnages (rois, grands seigneurs…) Si l’emprunteur avait du retard dans le remboursement de sa dette, la panique pouvait s’emparer des prêteurs qui tous à la fois  allaient retirer leur dépôts, ce qui provoquait la faillite de l’entreprise.

Vers le XVe siècle on perfectionna le système à Gênes. Ce furent des sociétés anonymes dans le sens que les parts étaient cessibles. Les sociétés se spécialisèrent dans un ou ceux types de commerce.

Les plus puissantes sociétés commerciales se sont développées en Italie à partir du XIIIe siècle, surtout à Florence. Les Spini et Frescobaldi à Florence ; les Tolomei et Buonsignori à Sienne, etc…Tournées presque exclusivement vers les foires de Champagne, le commerce textile et les prêts aux souverains, ces maisons furent victimes des difficultés monétaires et politiques à la fin du XIIIe et furent emportées dans des faillites.

Une génération de maisons florentines leur succéda. Leur commerce s’étendait de la Méditerranée à l’Angleterre. Ce furent les Bardi, les Peruzzi et les Acciaiuoli. Mais à leur tour elles furent victime des effets de la guerre de Cent ans (avec des débiteurs royaux insolvables) et de la Peste noire. Elles disparurent également.

Une troisième génération vit jour après 1350. Les Médicis montèrent en puissance et éclipsèrent tous les autres dès le milieu du XVe avec Côme de Médicis. Ils s’emparèrent du pouvoir et modifièrent la structure de leur société qui abandonna le modèle à succursale pour celui à filiales, indépendantes les unes des autres mais tenues par des membres de la famille.

Hors de l’Italie il y eut également des sociétés marchandes mais aucunes n’atteignit la puissance des sociétés italiennes.

Les voies et les marchandises

Dès les premiers siècles du Moyen Age, on a aussi produit pour vendre. Cependant c’est à partir du XIe siècle que le volume des marchandises produites et vendues à vraiment augmenté. Ce commerce se répartissait en 7 secteurs principaux :

L’alimentation (grains, vins, sel, poissons fumés ou salés)

L’habillement (laine, lin, fourrures, cuirs, peaux, teintures)

La construction (pierres, bois)

Les transports terrestres (chevaux) et maritimes (goudrons, cordages, toile à voiles)

L’éclairage (cire)

La métallurgie métaux en lingots, armes, orfèvrerie)

La céramique et la verrerie

L’Occident a également offert pendant longtemps des esclaves comme un véritable bétail humain. Ils les écoulaient vers Byzance et aux Arabes. L’esclave avait une grande valeur. Par la suite l’Eglise empêcha que l’on vende des chrétiens (les musulmans firent de même). On alla alors les chercher dans les provinces païennes limitrophes, chez les Germains et à l’Est chez les Slaves (d’où vient le mot esclave). Cette activité fut particulièrement florissante pour les Vénitiens et les Catalans.

L’Orient fournissait des produits alimentaires et pharmaceutiques (les épices) des produits textiles comme la soie, des produits tinctoriaux et de l’or.

Le commerce médiéval s’est organisé autour de 2 grands axes maritimes : l’axe méditerranéen jusqu’en Mer Egée et en Mer Noire et l’axe nordique, de la Manche à la Baltique. Ces 2 axes étaient raccordés entre eux par des routes terrestres jusqu’à ce que s’établissent au XIVe siècle des liaisons régulières entre l’Italie et la Mer du Nord.

L’axe méditerranéen

Si la conquête de l’Afrique du Nord et de l’Espagne par les musulmans a certainement fait diminuer les échanges commerciaux à travers la Méditerranée, ils ne furent toutefois pas interrompus. En effet il a toujours subsisté des transferts de marchandises, d’une part par l’entremise des musulmans d’Espagne, y compris les esclaves occidentaux dont le marché était tenu par les Juifs rhadanistes et d’autre part par les Vénitiens qui avaient la maîtrise de l’Adriatique et qui commerçaient avec Byzance, ici aussi notamment pour le commerce d’esclaves occidentaux. Au XIIe siècle les croisades ouvrirent à nouveau largement la  voie méditerranéenne vers l’Orient.

L’axe nordique 

Il fut le domaine des navigateurs Frison et Saxons du VIIe au IX puis des Normands. La domination Viking a  créé une succession de marchés, de comptoirs en comptoirs, reliant l’Atlantique à l’Orient en passant par les îles Britanniques, la Scandinavie, la Russie des Varègues par où ils atteignirent Byzance en passant par Kiev et la mer Noire, allant jusqu’à Bagdad par la Volga et la Mer Caspienne.

Après l’an mil, les Flandres prirent une place privilégiée sur cet axe nordique en raison de l’essor du commerce du drap. Jusqu’au milieu du XIIIe se furent les marchands Flamands itinérants de Gand, Arras ou Bruges qui allaient vendre leur production, en particulier aux foires de Champagne où venaient s’approvisionner des marchands italiens, porteurs d’épices. Après 1250 les compagnies italiennes installèrent à Bruges des correspondants chargés d’acheter les draps de Flandre et les expédier vers Florence. A Bruges venaient également depuis le XIIe siècle, des marchands hanséates prendre livraison des épices et apporter leurs produits. Ainsi cette ville fut un véritable trait d’union entre l’axe nord et sud, entre la Baltique et la Méditerranée.

Les voies terrestres 

Elles reliaient des villes essentiellement le long des voies fluviales, Rhône-Moselle ou Rhône-Rhin. Mais à partir du XIVe-XVe siècles elles déclinèrent au profit de l’axe maritime atlantique passant par Gênes, Bruges, Londres en faisant escale à Cadix et Lisbonne ou par l’axe terrestre germanique à l’Est reliant Milan à Hambourg par les villes du Sud de l’Allemagne du Sud.

Les marchés

Les lieux d’échanges étaient soit des marchés, le plus souvent hebdomadaires, soit des foires  généralement annuelles. Ces manifestations relevaient de l’autorité publique. Elle surveillait les lieux d’échanges pour y prélever des droits sur la circulation des marchandises (tonlieux) sur leur exposition (droits d’étaux) sur les ventes.

Les marchés des campagnes

Après les Grandes invasions se tinrent un peu partout de nombreux marchés qui témoignaient que la production agricole  ou artisanale en surplus était vendue ou échangée contre des produits artisanaux ou autres. A partir du XIe les foires agricoles se multiplièrent.  La foire différait du marché local par le fait qu’elle était moins fréquente et qu’elle mettait en contact des marchands venus de loin (forains). Elle donnait lieu à de grands rassemblements de populations et avait un côté festif.

Dès le XIe siècle on constate que l’usage de deniers, piécettes d’argent) s’est répandu dans les campagnes, que de nouveaux péages ont été créés et que les recettes ont augmenté. Au XIIIe siècle la production céréalière augmenta suffisamment pour permettre de payer les gens non plus par le troc mais avec de la monnaie. De même à cette époque l’élevage s’orienta vers une économie d’échange. A l’automne on tuait de grandes quantités de porcs pour l’hiver. Comme il fallait saler la viande on devait acheter le sel et par conséquent disposer de numéraire. On vendait également les gros animaux l’automne pour ne pas à avoir à les nourrir l’hiver. Les riches propriétaires pouvaient les acheter et les revendre au printemps. Ainsi le commerce du bétail se fit de plus en plus pour le commerce et l’argent et pas seulement pour les besoins en nourriture. Il en allait de même des diverses marchandises agricoles.

Les marchés des villes

Indépendamment des marchés qui subsistèrent dans les anciennes cités devenue sièges épiscopaux, se développèrent à l’époque carolingienne,  le long des réseaux fluviaux entre la Seine et sur le Rhin, des agglomérations où les marchands et les bateliers établirent des entrepôts. Ces portus, donnèrent naissance à des villes au cours du XIe siècle. Les marchés des cités vivaient sur le plat pays qui les entourait. Leur trafic portait sur des marchandises locales et était soumis à protectionnisme chauvin.

Les marchés de grandes foires

Certaines foires sont devenues des lieux d’échanges de produits internationaux. Ainsi la foire de St Denis, crée dès le VIIe siècle, fut à l’origine une grande foire du vin qui se tenait pendant plusieurs semaines après les vendanges. Elles at

Tirait les marchands Frisons et Saxons. Menacées par les incursions normandes entre le milieux du Ixe et le début du Xe siècle, elle connut ensuite un renouveau de prospérité. De même la champagne devint très tôt  un lieu de foires réputées.

Parmi ces grandes foires, les principales se développèrent au XIIe siècles le long de l’axe nord-sud qui reliait l’Angleterre (foire de la laine brute de Winchester, Northampton et Stanford ) et la Flandre (foires de redistribution de la laine et de la ventededraps d’Ypres. Lilles, Bruges) au delta du Rhône (Avignon, Narbonne, Montpellier) en passant par l’Ile de France (foire de Lendit à Saint Denis) et surtout la Champagne. En fait les foires de Champagne furent pendant près de 2 siècIes, entre le milieu du XIIe et le XIVe siècle, le carrefour o`se rencontraient Flamands et Italiens.

A l’origine les foires de Champagne il y eut 4 villes : Lagny, Bar-sur.Aube, Provins et Troyes. Il y eut également la conjonction d’une localisation particulière et les mesures prises par les Comtes de Champagne qui aménagèrent un cycle régulier de foires de telle sorte que le marché international se tint ouvert en permanence toute l’année. Ils accordèrent en outre des privilèges aux marchands qui exercèrent un attrait puissant.

Ces foires duraient 50 jours et se succédaient les unes aux autres. Elles se déroulaient en 3 phases : exposition des marchandises, ventes, règlements des comptes. Sur les routes qui y conduisaient, les marchands étaient placés, moyennant finances, sous la protection du seigneur. Il leur offrait en outre à des conditions avantageuses des logements, des entrepôts et des exemptions. Il mettait à leur disposition des gardes pour assurer leur sécurité. Au XIIIe siècle les marchands prirent l’habitude de conclure leurs contrats sous le sceau des gardes des foires de Champagne. Les contrats ainsi conclus devinrent exécutoire dans toute la chrétienté latine. Ceci transforma le rôle des foires.

Rôle des foires

A l’origine elles furent essentiellement des foires commerciales. Les Flamands y apportaient leurs draps et les Italiens y apportaient les soieries d’Orient et les épices. Puis les Génois prêtèrent l’argent aux marchands pour acheter leurs marchandises en Orient. Ils les convoyaient et les vendaient en Champagne où ils remboursaient avec intérêt les Génois, en monnaie de France. Ce contrat réunissait donc une opération de crédit (remboursement différé) et une opération de change. Avec cet argent récupéré en Champagne les Génois achetaient les draps. Ainsi les foires de Champagne devinrent un important marché de capitaux, doublant le marché des marchandises. Dès le milieu du XIIIe siècle il devint habituel de stipuler remboursables aux foires de Champagne les emprunts contractés par les grands seigneurs laïcs ou ecclésiastiques. Les achats se firent peu à peu directement en Flandre et les foires commerciales se transformèrent en centre cambiaires européens.

Déclin des foires de Champagne

Il est probablement la conjonction de plusieurs facteurs. L’augmentation des taxes ; l’augmentation de la qualité des draps produits en Italie ; la modification des itinéraires qui se firent de préférence par la mer ou par la voie allemande ; le développement de la foire de Lendit près de Paris.

Modification des habitudes

Le commerce se sédentarisa. Les maisons italiennes installèrent à demeure des facteurs sur les grandes places et firent envoyer les marchandises par des commis. Ainsi d’autres lieux de foires, encore mieux situés, dans des endroits par ailleurs calmes et à l’extérieur des guerres tels Genève et Lyon au XVe siècle. Ces deux foires se tenaient 4 fois l’an et se consacraient aux textiles et au marché des changes.