A la renaissance Rome devient la ville des papes

En 1420, lorsque Martin V Colonna ramène définitivement la papauté à Rome, la ville ne compte plus que 30'000 habitants concentrés dans le Borgo, le Trastevere et la Boucle du Tibre qui lui fait face. Les familles aristocratiques créent des conglomérats fortifiés au centre de quartiers qu’elles contrôlent. Le territoire restant à l’intérieur des murailles auréliennes (19 km) est pratiquement désert. Il est plus ou moins cultivé ou laissé à l’abandon. 

Martin V et les papes qui vont lui succéder, s’attachent à assainir la ville et à l’embellir. Ils tracent des routes rectilignes dans les zones habitées pour faciliter le transit des pèlerins, renforcent les murailles, restaurent ou reconstruisent une multitude d’églises. Ils établissent également des hospices pour les pèlerins regroupés en « nations » et des d’hôpitaux. Ces constructions sont possibles grâce aux richesses qui affluent de toute l’Europe et aux jubilés qui se suivent dès cette période à intervalle de 25 ans environ. 

Mais c’est sous Sixte IV della Rovere que va s’opérer un grand changement dans l’urbanisation de Rome. Jusque-là l’héritage des cardinaux pouvait être confisqué à leur mort par les papes. Ils évitaient ce risque en construisant des habitations ou en acquérant des terres au nom de leurs proches, hors de Rome. Sixte IV décréta en 1475 que tous les prélats et membres de la curie pourraient transmettre leurs biens à leurs descendants pourvu qu’ils aient construit une résidence à Rome. Dès ce moment on vit fleurir des palais tous plus somptueux les uns que les autres, symboles du prestige de leur propriétaire. 

En 1500, sous le pape Alexandre VI Borgia, Rome compte environ 50'000 habitants. Les troubles sont constants, dus à des conflits continuels entre les grandes familles que sont les Colonna et les Orsini et leurs alliés. Le pape renforce les murailles du Borgo qui entourent le Vatican. Les tours de la noblesse sont détruites. Rome est une ville où tout s’achète et tout se vend. L’exemple vient d’en haut où les papes se livrent à la corruption et au népotisme sans retenue. 

Au plan artistique on assiste à partir de 1475 à une explosion de commandes de la part des papes, des cardinaux, des familles aristocratiques ou bourgeoises de la finance ou du commerce, des confréries et autres ordres religieux. 

On fait appel à des artistes de renom de la Toscane, l’Ombrie et l’Italie du Nord. Parmi les plus connus au Quattrocento on peut citer des architectes tels Antonio de Sangallo et Leon Battista Alberti, des peintres tels Masaccio, Fra Angelico, Sandro Botticelli, Ghirlandaio, Perugino et Filippo Lippi ou des sculpteurs comme Filarete ou Antonio Pollaiolo. Ils apportent des idées nouvelles et renouvellent totalement l’expression artistique que ce soit dans les églises ou dans les palais. 

Dans le premier quart du XVIème siècle l’urbanisme connaît de grands bouleversements. Jules II de la Rovere décide la construction de la nouvelle basilique Saint Pierre. Il trace la via Giulia le long de laquelle vont s’installer les familles riches dans des palais nouveaux. Léon X et Clément VII construisent trois grandes avenues à partir de la piazza del Popolo : la Ripetta, la via del Babuino et il Corso, qui irradient de la Porta Flaminia, entrée des pèlerins vers le Vatican (via Ripetta) et vers le centre de Rome pour les deux autres. 

De nouveaux artistes polyvalents arrivent à Rome : Bramante, Michel-Ange, Raphaël, Giuliano Sangallo dit le Jeune ainsi que Baldassare Peruzzi. On trouve aussi Andrea et Jacoppo Sansovino

Le sac de Rome par les troupes des Colonna en 1526 suivi de celui prolongé, entre mai 1527 et février 1528, par les troupes impériales, accompagné d’une épidémie de peste et le débordement du Tibre suspendent toute activité artistique jusqu’en 1531. 

Paul III Farnèse lance la Contre-Réforme et engage des travaux en vue du jubilé de 1550. Antonio de Sangallo en devient le maître d’œuvre. On le trouve sur le chantier de St Pierre, dans la construction de palais (palais Farnèse entre autre), au renforcement des murailles ou à l’édification de fontaines publiques. Michel-Ange, qui a terminé la chapelle Sixtine, se voit confier la réalisation de la place du Capitole et le grand escalier sénatorial avant de reprendre les travaux de la basilique St Pierre pour laquelle il conçoit la coupole, construite plus tard par Giacomo della Porta et Domenico Fontana.  

Un style pictural nouveau, annoncé par Raphaël, se développe : le maniérisme avec pour porte-drapeaux le Cecchino del Salviati ou il Salviati, de son nom Francesco dei Rossi. 

C’est également à cette époque que seront mis en place ces magnifiques plafonds dans les églises. On peut citer St Jean du Latran, Santa Maria in Domnica, Santa Maria in Ara Coeli ou San Marcello. 

Grégoire XIII Boncompagni fait construire en 1580 le Palais du Quirinal sur la colline du même nom. Il est depuis lors et jusqu’en 1870 la résidence officielle de la papauté. Ce pape remet totalement en fonction l’aqueduc de l’Acqua Vergine et fait construire de nombreuses fontaines. Il sera imité par la noblesse. 

Grégoire développe aussi un réseau social dans Rome en mettant en place des asiles et des hôpitaux qui sont confiés à des confréries religieuses. Au jubilé de 1575 les 400'000 pèlerins qui affluent à Rome peuvent constater ces effets de la Contre-Réforme. 

Sixte V Peretti, Sixte Quint, pape de 1585 à 1590 jouera un rôle important tant au niveau de l’urbanisme que religieux. Il édifie le Palazzo nuovo avec la Blibliothèque Apostolique du Vatican et le Palais de la Sapienza ainsi que celui du Latran. Il remet en route l’aqueduc Felice qui va approvisionner en eau le territoire entre le Quirinal et Porta Pia à l’Est et favoriser le développement de l’habitat dans cette partie de la ville. C’est cet aqueduc qui alimente la fontaine de Moïse

Sous son règne Rome affirme encore plus la suprématie de l’Eglise et son rôle de capitale de l’Etat pontifical. Il s’attache à marquer de croix tous les symboles du passé tels les obélisques qu’il fait redresser. Durant le XVIème siècle la population passe de 30'000 habitant après le sac de 1526 à 100'000 habitants en 1600. 

Lors du jubilé de 1600, le pape Clément VIII Aldobrandini rénove églises et bâtiments publics et fait paver de nombreuses rue de Rome. Les chantiers de toutes les constructions entreprises durant la deuxième moitié du XVIème se poursuivent sur plusieurs décennies. De nombreux artistes sont appelés à Rome. Fontana, les frères Annibale et Agostino Carrache, Carlo Maderno, Vasari, le Caravage et le chevalier d’Arpin pour ne citer qu’eux. 

LE XVIIème SIECLE : ROME CAPITALE DE LA CHRETIENTE 

Rome est maintenant une ville apaisée. Le pape administre la ville et ses Etats depuis son palais du Quirinal, actuellement palais de la présidence de la République, et la noblesse vit dans ses palais. C’est une cité agréable à vivre tant au plan urbanistique que social. Cependant les papes entendent continuer à renforcer son caractère de capitale du monde catholique. Pour cela ils vont s’appuyer sur des réalisations ar- chitecturales spectaculaires. 

Paul V Borghèse (1605-1621) assisté de son neveu le cardinal Scipione Borghèse, va poursuivre l’œuvre de son prédécesseur. Il va permettre le développement du Trastevere en l’approvisionnant en eau avec l’aqueduc Paola qui alimentera le Fontanone sur le Janicule. Il améliore encore le réseau urbain en créant de nouvelles voies et accroit le système d’assistance publique vu l’afflux de nouveaux habitants. Sa famille de son côté fait ériger la fameuse villa Borghèse sur le Pincio sans oublier le Palais familial au centre de la ville. 

A partir de Paul V et durant tout le XVIIème, on va assister autriomphe de l’art baroque qui soutien la propagande de la Contre-Réforme par ses constructions religieuses spectacu- laires. L’aménagement de la place St Pierre est à cet égard typique de la mise en scène de la grandeur de l’Eglise et de la papauté.

Urbain VIII Barberini et Innocent X Pamphilj embellissent la vil- le tout en se construisant des palais somptueux, le premier près de la place qui porte son nom et le second Piazza Navona. Ce dernier est également l’initiateur de la construction du pa- lais de Montecitorio, édifice à vocation administrative et siè- ge actuel de la chambre des députés.

Les architectes les plus en vue au début du XVIIème sont Car- lo Maderno, Flaminio Ponzio, Carlo Fontana et Andrea Pozzo.

A partir de 1625 les artistes les plus productifs sont le Bernin, Francesco Borromini et Pierre de Cortone. Ils s’inspirent de l’aca- démisme mais le réinterprètent en donnant véritablement vie à leurs œuvres, que ce soit dans leurs sculptures ou dans les portraits. Mêmes les œuvres architecturales sont empreintes de mouvements.

A côté de ces géants on doit citer entre autre Stefano Ma- derno, Carlo Rainaldi, Nicolas Cordier et Alessandro Algardi.

Dans le domaine pictural on voit apparaître un style nouveau chez les Caravage. Ce peintre est si apprécié de ses collègues que va se créer une école, le caravagisme, à travers toute l'Europe. L'académisme n'a pas pour autant disparu comme en témoigne les oeuvers des frèrs Carache au palais Farnese. D'autres artistes continue dans ce style : Le Dominiquin, le Guerchin, le Guide et Giovanni Lanfranco. 

Alexandre VII Chigi (1655-1667) a vécu l’échec d’éradiquer le protestantisme au traité de Westphalie. Il s’attache alors à faire de Rome non seulement la capitale du monde catholique mais également une ville de culture unique au monde. Il fait appel aux artistes mentionnés ci-dessus pour réaliser ses objectifs en créant ou transformant de nombreuses places en de véritables décors destinés à impressionner les visiteurs et en construisant ou restaurant églises et basiliques sans oublier de se construire un palais qui porte son nom. 

A la mort d’Alexandre VII suit une période de déclin. L’épidémie de peste de 1656 en est une des causes. Pendant un siècle il n’y aura plus de grandes réalisations dans les domaines artistiques ou architecturaux, Les élèves des grands maîtres n’ont pas leur génie. Seul le Baciccio ou Andrea Pozzo sortent du lot. 

Le dernier pape du siècle, Innocent XII Pignatelli est un homme vertueux, plus préoccupé d’améliorer les conditions de vie des romains que de faste ou de prestige. 

À la fin du XVIIème la ville baroque est fixée. Depuis lors les papes s’attacheront surtout à entretenir, modifier ou améliorer ce qui a été fait. Il n’y aura plus de véritables artistes in- novateurs. Quelques entreprises méritent toutefois notre intérêt : le palais Doria-Pamphilj sur le Corso, le palais de la Consulta, la piazza Sant’Ignazio, la fontaine de Trevi ou l’escalier de la Piazza di Spagna. 

Télécharger version complète tirée de la Louve à la Tiare de Pierre B.pages 22 à 28