Extase de Sainte Thérèse ou transverberation de Sainte Thérèse

Transverbération : terme religieux de la mystique chrétienne signifiant : transpercement spirituel du cœur par un trait enflammé d'amour.

Cette œuvre du Bernin se trouve dans l’église de Santa Maria della Vittoria à Rome, plus précisément dans la chapelle Cornaro. Elle a été inspirée par la description que Sainte Thérèse d’Avila a faite de ses extases, dans sa biographie de 1559.

« Je vis un ange proche de moi du côté gauche… Il n'était pas grand mais plutôt petit, très beau, avec un visage si empourpré, qu'il ressemblait à ces anges aux couleurs si vives qu'ils semblent s'enflammer … Je voyais dans ses mains une lame d'or, et au bout, il semblait y avoir une flamme. Il me semblait l'enfoncer plusieurs fois dans mon cœur et atteindre mes entrailles : lorsqu'il le retirait, il me semblait les emporter avec lui, et me laissait toute embrasée d'un grand amour de Dieu. La douleur était si grande qu'elle m'arrachait des soupirs, et la suavité que me donnait cette très grande douleur, était si excessive qu'on ne pouvait que désirer qu'elle se poursuive, et que l'âme ne se contente de moins que Dieu. Ce n'est pas une douleur corporelle, mais spirituelle, même si le corps y participe un peu, et même très fort. C'est un échange d'amour si suave qui se passe entre l'âme et Dieu, que moi je supplie sa bonté de le révéler à ceux qui penseraient que je mens… Les jours où je vivais cela, j'allais comme abasourdie, je souhaitais ni voir ni parler avec personne, mais m'embraser dans ma peine, qui pour moi était une des plus grandes gloires, de celles qu'ont connues ses serviteurs. »

Origine des extases mystiques

Ce plaisir extatique décrit par Ste Thérèse elle-même, a aussi été rapporté par d’autres saints et saintes. A l’époque où ses choses se sont passées ont les a interprétées comme des récompenses que Dieu offrait à ses plus parfaits serviteurs. Par la suite les neurologues  ont expliqué ces événements par des crises d’épilepsie, en particulier d’épilepsie prenant leur origine dans le lobe frontal.

Des neurochirurgiens ont pu reproduire ces extases chez certains de leurs patients. Lors de certaines opérations du cerveau, on ne pratique qu’une anesthésie locale du cuir chevelu et de l’os. On retire une plaque osseuse et le cerveau est ainsi exposé. Le patient demeure conscient de sorte que lorsque que l’on excite le cerveau avec des électrodes il est en mesure de décrire des sensations qu’il éprouve. Des crises extatiques ont ainsi pu être produites en introduisant une électrode dans les amygdales du cerveau.

La blessure inexplicable de Sainte d’Avila

Si les extases sont explicables médicalement, il n’en va pas de même pour la blessure constatée sur son cœur. Sainte Thérèse disait que son cœur était comme transpercé par la lance de l’ange. Neuf ans et 5 mois après sa mort, on ouvrir sa tombe. Le corps de la sainte était intact. Cela se produit parfois en fonction du milieu dans lequel il est conservé. En revanche lorsqu’un chirurgien a enlevé le cœur pour le placer dans un reliquaire, ce qui était fréquent à l’époque, il constata qu’il portait une « déchirure longue, étroite et profonde » et que l’intérieur du cœur il y avait « des indices de l’action du feu ou d’un commencement de combustion… ».

Une œuvre qui a beaucoup fait parler d’elle…

La première lecture de l’œuvre est bien évidemment une retranscription sculpturale des extases telles que décrites par la Sainte. D’ailleurs comment les représenter autrement ? Toutefois le sourire de l’ange, vraiment indéfinissable, a été interprété par les uns comme une expression de simple bonté mais par d’autres comme un sourire narquois devant le plaisir que son geste procure. Pour ces derniers il fait plus penser au Cupidon de la mythologie païenne qu’à un ange.

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   Extase de Sainte Thérèse d'Avila

Quant à la Sainte, son attitude abandonnée, les jambes et la main gauche flasques et le visage renversé, lèvres entrouvertes, elle évoque une attitude bien charnelle et une expression bien proche d’une extase physique pour ne pas dire orgasmique, ce que n’ont pas manqué de faire remarquer certains. « Elle jouit » disait Lacan.  Le noble Charles De Brosses en visite à Rome au XVIIe, à qui l’on expliquait qu’il s’agissait d’une représentation de l’amour divin, s’exclama en toute gauloiserie : « Si c’est ici de l’amour divin, je le connais ». Le marquis de Sade s’exclame «  On a du mal à croire qu’il s’agisse d’une sainte » tandis que le très catholique Louis Veuillot proclame qu’il faut « expulser cette œuvre du temple, la vendre ou la brûler ».

En conclusion rappelons-nous que chaque œuvre artistique ou chaque jugement moral doit être mis en perspective dans l’époque où il a été produit. De nos jours il nous est difficile de nous placer dans l’état d’esprit de ceux qui vivaient en ces temps. Il n’en demeure pas moins que l’Extase de Sainte Thérèse est, au plan artistique, un pur chef-d’œuvre qui émeut toute personne normalement constituée.