Esotérisme dans l'architecture de Borromini
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- Écrit par Pierre
Borromini s'est initié au métier et aux secrets des maîtres et des compagnons maçons
Après avoir effectué un apprentissage de maçon à Milan, il s'est initié au métier et aux secrets des maîtres et des compagnons maçons dans l’art de construire des édifices. Il est également invité à vivre dans la foi chrétienne avec humilité et simplicité. Il gardera cette conduite toute sa vie durant.
Francesco Borromini, comme tous les architectes de son époque, était formé aux enseignements des corporations maçonniques qui faisaient remonter leurs origines au temple de Salomon à Jérusalem. Ils y faisaient souvent allusion dans leurs réalisations en leur conférant tout un symbolisme ésotérique.
En 1615 il vient à Rome rejoindre son oncle, le célèbre architecte Carlo Maderno, alors occupé à la construction de la basilique Saint Pierre. Sur ce chantier il se perfectionne et approfondit ses connaissances notamment dans les mathématiques, la géométrie et la perspective.
Borromini comme beaucoup de personnages du XVIIe à Rome, s’intéresse également aux sciences occultes. Il a certainement fréquenté le célèbre Marquis de Palombara, concepteur et constructeur de la porte hermétique, l’ancienne reine Christine de Suède et le prêtre jésuite Kircher, qui formaient un cercle d’initiés suspects aux yeux de la très méfiante Sainte Inquisition.
Lorsqu’il travaillera pour son propre compte, dès 1634, il mettra systématiquement dans ses œuvres des symboles maçonniques mais aussi ésotériques. Nous en donnons deux exemples : l'église de Sant'Ivo della Sapienza et le palais Falconieri, à Rome.
Sant’Ivo della Sapienza
La première université de Rome fut instaurée par le pape Boniface VIII à la fin du XIIIe siècle. En 1560 on initia sa reconstruction sous le pontificat de Pie IV. Elle poursuivit sous les papes suivants et différents architectes jusqu’à l’arrivée de Borromini en 1632, appelé par Urbain VIII Barberini pour succéder à Giacomo della Porta.
Entre 1632 et 1660 Borromini termine le Palais de l’Université de la Sapienza (autrement dit du Savoir) et construit l’église attenante, dite de Sant’Ivo della Sapienza. Ces constructions se firent sous les pontificats d’Urbain VIII, Innocent X Pamphili et Alexandre VII Chigi. Borromini y introduisit des éléments ésotériques que l’on peut encore observer aujourd’hui.
Au premier étage de la bibliothèque, située sur le côté gauche de la cour, dans une aile fermée au publique mais que le bibliothécaire nous a ouverte, se trouve une porte double. Sous son tympan Borromini a inséré une représentation fondamentale de la spiritualité des compagnons maçons.
On y découvre un triangle contenu dans un demi-cercle, symbole du Savoir et de la Connaissance. Dans cette circonférence Borromini a placé une tête de Méduse, symbole de la connaissance profane. Sur sa gauche se trouve un livre gravé d’un pentacle (étoile à 5 pointes) suggérant l’accès à la perfection de la part de l’initié. En dessus du pentacle se trouve une hache, métaphore de l’acte suprême de la prise de la Conscience. A droite de la Méduse est représenté un carré magique constitué de cinq mots de cinq lettres, qui peuvent être lus indifféremment dans les 4 directions. Depuis la fin du Moyen-Age on attribue au carré des vertus atropopaïques c’est-à-dire la capacité de protéger des mauvais sorts ou influences.
Signes maçonniques au dessus de la porte |
Balcon de la façade postérieure de l’université de Sant’Ivo della Sapienza
Sous le balcon, dit de Borromini, entre les supports, figurent des représentations passablement cryptées. On observe de la gauche vers la droite :
- sous le premier espace, un livre à côté d’une balance et d’une épée
- sous le deuxième une couronne d’olivier sur laquelle s’insèrent eux ailes
- sous le troisième un serpent qui se contemple dans un miroir en grimaçant.
Les experts ont interprétées ces images comme une allusion aux cavaliers de l’Apocalypse. Le texte de l’Apocalypse décrit en effet le premier cavalier comme portant une couronne (le pouvoir militaire), le deuxième tenant une épée (symbole de la guerre), le troisième une balance (la disette et la faim) et le quatrième appelé la mort, est assimilable à un serpent qui reflète son reflet dans un miroir.
Balcon de Borromini | Détails du balçon de Borromini |
L’église de Sant’Ivo est un symbole en elle-même
Le plan de l’église, le tabernacle et l’étrange coupole sont l’expression symbolique savamment étudiée de la philosophie de la connaissance.
Le plan de base est l’assemblage de 2 triangles donnant une étoile à 6 pointes, correspondant au sceau de Salomon, symbole de la connaissance théologique. On pourrait aussi y voir le monogramme du Christ synthétisé comme une croix à 6 bras. Ce monogramme est d’ailleurs rappelé, inscrit dans des couronnes de lauriers, sur les fenêtres latérales.
Plan de l'église | Coupole | Pavement |
Le plan vertical très élancé, donne un élan au regard vers la coupole où il se trouve comme aspiré.
Le tabernacle est placé à l’intérieur d’une exèdre avec 7 candélabres. On peut y voir un rappel du temple de Salomon dont le tabernacle était entouré de 7 colonnes. Pour rappel le 6 correspond à l’impiété et la « bête » de l’apocalypse est désignée par le 666 ; le 7 correspond à la perfection terrestre et le 8 à la perfection divine, le 888 étant le chiffre du Christ.
La coupole avec sa lanterne à spirale est le point culminant de l’itinéraire initiatique. Sa décoration interne reproduit la rencontre entre un triangle équilatéral et trois cercles, unissant ainsi le symbole de la Trinité et celui de la maçonnerie.
Le petit édifice surmontant la coupole est soutenu par 12 colonnes. Il est coiffé par un toit spiralé qui conduit à une couronne. Cette spirale montante symbolise l’acquisition de la connaissance à travers le temps et l’espace.
Palais Falconieri, Via Giulia
Entre 1646 et 1656, Borromini travaille à l’agrandissement du palais Falconieri. Là aussi, mais peut-être à la demande des maîtres d’œuvre, Borromini met en œuvre toute une symbolique ésotérico-maçonnique, tant dans les plafonds des salles que sur la façade.
Façade
En dessus de la grande porte d’entrée de droite, est représentée une coquille, un soleil, une aile et des serres. Ces éléments symbolisent la naissance, la lumière et l’envol vers le soleil. La serre, comme les faucons aux angles de l’immeuble, rappelle le blason des Falconieri. Mais le faucon est également, dans la mythologie de l’Egypte des Pharaons, un symbole de supériorité et victoire. Les socles qui les soutiennent ont un corps féminin, qui donne une connotation androgyne aux faucons.
Les plafonds
Dans la première salle donnant sur la via Giulia, Borromini a tracé un grand cercle en relief contenant 3 couronnes. En leur centre se trouve un soleil dont les rayons s’étirent jusqu’au 6 points d’intersection des 3 couronnes. Le nombre 6 pourrait ici se référer à l’hexaméron, soit à la période de 6 jours de la création du monde, le 7ème étant réservé au repos et à la manifestation du Divin.
Plafonds de la demeure |
Dans la seconde salle on observe au plafond un grand ovale. Dans une de ses parties est représenté un globe ailé, duquel part un sceptre qui le relie au soleil. Dans ce dernier est gravé un œil. Un serpent qui se mord la queue (uroborus : vieux symbole remontant à l’Egypte ancienne) dessine un cercle qui contient le globe ailé et le sceptre tandis que des festons de feuilles, liés par des rubans, entourent ce cercle.
L’interprétation maçonnique qui en a été faite par Leros Pittoni est la suivante : L’uroborus représente la perpétuelle transmutation de la vie à la mort et de la mort à la vie. Il représente également l’union du monde terrestre, le serpent, et du monde céleste, le cercle. Ce qui préside à cette perpétuelle tansmutation de la Vie serait le Grand Architecte de l’Univers. L’œil au centre du soleil peut avoir plusieurs significations. Au plan physique c’est tout simplement le soleil, créateur de la lumière et de la vie. Au plan abstrait, c’est le symbole de Verbe, de la Parole, du Principe créateur. Au plan divin du Grand Créateur de l’Univers.
Ces quelques exemples démontrent que Borromini avait la volonté de transmettre un message et de donner une signification à ses œuvres. De nos jours leur interprétation est toutefois ardue car nous ne sommes plus familier avec ce langage symbolique.